à l’Europe, nous n’avons rien en ce genre à opposer aux étrangers.
J’ai tâché de combler, à l’égard d’une des provinces de France, la lacune que je viens de signaler.
Si ce recueil était complet, il justifierait le titre qu’il porte, et offrirait véritablement un Barzaz-Breiz, une histoire poétique de la Bretagne[1] : religion, mythologie, mœurs, croyances et sentiments, individu, famille, nation, cette histoire a tout embrassé ; malheureusement, nous n’en possédons que quelques précieux débris.
Quant à l’idée de la collection elle-même, le mérite de l’avoir conçue ne me revient pas en entier, elle était commencée plusieurs années avant ma naissance. Voici quelle en a été l’origine :
Ma mère, qui est aussi celle des malheureux de sa paroisse, avait, il y a près de trente-six ans, rendu la santé à une pauvre chanteuse mendiante ; émue par les prières de la bonne paysanne qui cherchait un moyen de lui exprimer sa reconnaissance, et l’ayant engagée à dire une chanson, elle fut si frappée de la beauté des poésies bretonnes, qu’elle ambitionna parfois, depuis cette époque, ce touchant tribut du malheur, et souvent l’obtint ; plus tard, elle le sollicita, mais ce ne fut plus pour elle-même.
Ainsi est née cette collection ; dans le but de l’augmenter, j’ai parcouru la Bretagne durant plusieurs années. J’ai assisté aux grandes réunions du peuple, à ses fêtes religieuses ou profanes, aux pardons, aux foires, aux liniéries, aux veillées, aux fileries ; les bardes populaires, les mendiants, les tisserands, les pillaoueriens ou chiffonniers, les meuniers, les laboureurs, ont été mes collaborateurs les plus actifs ; j’ai aussi fréquemment consulté, avec fruit, les vieilles femmes, les nourrices, les jeunes filles et les vieillards. Les enfants même, dans leurs jeux, m’ont quelquefois, sans le savoir, révélé des trésors. Le degré d’intelligence de ces personnes variait sou-
- ↑ Barzaz, historia poetica (D. Lepelletier, Dict. bret); Breiz, Bretagne.