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sanglantes[1]. » Cette montagne de la guerre, où sont allumés les feux dont parle le poète armoricain, ne parait pas sans rapport avec le témoignage du barde cambrien. Le huitième feu, le feu du père, le père-feu ou le feu principal (car on peut traduire son nom de toutes ces manières différentes), semble être le Bel tan, ou feu du dieu Bel, que les Celtes d’Irlande, selon M. Adolphe Pictet, allumaient sur les montagnes en l’honneur du soleil, au mois de mai, précisément à l’époque indiquée par le poêle breton.

Un des plus anciens bardes gallois, Avaon, fils de Taliesin, a composé une hymne pyrolatrique où il chante le char du soleil et ses blonds coursiers sous la figure du feu sacré :

« Il s’élance impétueusement, le feu aux flammes, au galop dévorant ! Nous l’adorons plus que la terre ! Le feu ! le feu ! comme il monte d’un vol farouche ! comme il est au-dessus des chants du barde ! comme il est supérieur à tous les autres éléments ! Il est supérieur au Grand Etre lui-même. Dans les guerres, il n’est point lent !... Ici, dans ton sanctuaire vénéré, ta fureur est celle de la mer ; tu t’élèves, les ombres s’enfuient! Aux équinoxes, aux solstices, aux quatre saisons de l’année, je te chanterai, juge de feu, guerrier sublime, à la colère profonde[2] ! »

Les huit génisses blanches de la Dame, qui paissent l’herbe de l’Ile, peuvent ne pas être sans rapport avec les génisses, blanches aussi, consacrées à une déesse bretonne, adorée dans l’Ile de Mon à l’époque où vivait Tacite. Si l’épithète de don, profonde, qu’ajoute le poète armoricain à l’Ile dont il parle, était une altération du mot Mon, ce qui n’est pas impossible, l’identité serait parfaite. Quoi qu’il en soit, Enez Mon signifie « l’Ile de la génisse » dans le dialecte breton du pays de Galles[3].

IX. L’antique tradition relative aux côtes d’Aber-Vrac’h, en Armorique, et mentionnée par un chroniqueur du quinzième siècle, ainsi que par d’autres écrivains bretons qui l’ont constatée[4], me semble de nature à éclaircir le tercet des neuf petites mains blanches exposées sur la table de pierre, au pied de

  1. Seiz tan uc’hel lin
    Seiz kad keverbin.

    (Myvyrian, Ibid., p. 49.)

  2. 2 Myvyrian, t. I, p. 44.
  3. Mon is an epithet sometimes used for a heifer. (Owen, Welsh dict., t. II, p. 331.)
  4. Grégoire de Rostrenen, Dict., p. 560, et dom le Pelletier, Dict., p. 474.