Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 1.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

servée dans les poèmes des bardes gallois du cinquième siècle, nous apprend qu’ayant traîné hors des eaux du déluge, au moyen -de fortes chaînes, un crocodile monstrueux qui avait été la cause de la submersion de l’univers, l’un mourut de fatigue, et l’autre du chagrin qu’il eut de la perte de son compagnon[1]. La coque[2] qu’ils tirent après eux avec tant d’efforts est sans doute celle du crocodile.

III. Les trois vies et les trois morts de l’homme semblent rentrer dans les trois sphères d’existence de la théologie druidique. « Je suis né trois fois, » dit le barde Taliesin[3].

Je ne sais si en prêtant la même destinée à l’homme et au chêne, le poète armoricain n’entendrait pas plutôt parler des Druides, dont cet arbre était le symbole, que de l’arbre lui-même Le témoignage de Taliesin viendrait encore à l’appui de cette opinion: « Chêne est mon nom, » dit-il[4].

Les trois royaumes de Merzin paraissent correspondre avec la troisième sphère mythologique des traditions galloises, celle de la béatitude. Il est remarquable en effet, d’une part, que ces traditions donnent le nom de tombeau de Merzin[5] au triple royaume de Loegrie (l’Angleterre), de Cambrie (le pays de Galles) et d’Alban (l’Ecosse), qui forment l’Ile de Bretagne ; d’une autre, que les Armoricains du sixième siècle faisaient de cette même lie le séjour des ames bienheureuses[6].

Le Merzin, auquel sont soumis les trois royaumes célestes dont il est ici question, n’est, on le sent bien, ni le barde guerrier de ce nom, ni le devin qui nous occuperont plus tard : je serais porté à voir en lui le dieu que les Gaulois adoraient comme l’inventeur de tous les arts, comme le génie du trafic, et que César, trompé par une similitude de nom[7] et d’attributs, identifie avec le Mercurius romain.

IV. Les quatre merveilleuses pierres à aiguiser que le poëte ar-

  1. Myvyrian, Archaiology of Wales, t. III, p. 57 et 74.
  2. Kib, boîte, coque, pot (Le Gonidec, Dict., p. 89) ; pluriel, kibou, kibi, cercles. En gallois, kib signifie vaisseau, coque, cosse d’un fruit, coquille. (F. Owen, Welsh dictionnary.)
  3. Teir gwes i’m ganet. (Myvyrian, Arch. of Wales, t.1, p. 76.)
  4. Derw... henou i’m. (Ib., p.50.)
  5. Klaz Merzin. (Ib., t. II, p. 2.)
  6. Procope, de Bello gothico, lib. IV, c. xx.
  7. Merzin (Mers-zen) signifie en effet un homme de négoce, un marchand, en langue celtique, comme Mercurius en latin.