Page:Barzaz Breiz, huitième édition.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxxxi
INTRODUCTION.


Quand le cortège se développe, rien de plus curieux à observer que ces rangs serrés de paysans aux costumes variés et bizarres, le front découvert, les yeux baissés, le chapelet à la main ; rien de touchant comme ces bandes de rudes matelots, qui viennent, nu-pieds et en chemise, pour accomplir le vœu qui les a sauvés du naufrage, portant sur leurs épaules les débris de leur navire fracassé; rien de majestueux comme cette multitude innombrable précédée par la croix, qui s’avance en priant le long des grèves, et dont les chants se mêlent aux roulements de l’Océan.

Il est certaines paroisses où, avant de rentrer dans l’église, le cortège s’arrête dans le cimetière; là, parmi les tombeaux des ancêtres, le paysan le plus respectable et l’ancien seigneur du canton, la jeune paysanne la plus sage et l’une des demoiselles du manoir, debout sur les degrés les plus élevés de la croix, renouvellent solennellement, au nom de la foule prosternée, en étendant la main sur le livre des Évangiles, les saintes promesses du baptême. Ainsi, la religion confond tous les âges, tous les rangs, toutes les conditions, dans ces pieuses assemblées, qui pourraient s’appeler encore des « synodes privilégiés de fraternité et d’union. »

Des tentes sont dressées dans la plaine; les pèlerins y passent la nuit ; on veille fort tard, on reste pour écouter les cantiques que vont chantant d’une tente à l’autre les bardes populaires. Ce jour est tout entier consacré à la religion. Les plaisirs profanes renaissent avec l’aurore et les sons du hautbois.

A midi, la lice s’ouvre ; l’arbre des prix, portant ses fruits comme le pommier ses pommes, ainsi que cela se dit, s’élève triomphalement au centre; à ses pieds mugit la génisse, gage principal du combat, les cornes ornées de rubans. Les jeunes filles et les jeunes femmes, juges influents des joutes, apparaissent montées sur les arbres environnants, à demi cachées, comme des fleurs, dans le feuillage ; la foule des hommes