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INTRODUCTION.

lin, des toisons vierges, des pains de cire, ou d’autres produits de l’agriculture, comme aux anciens jours[1] ; puis des danses se forment au son du biniou national, de la bombarde et du tambourin, sur le tertre de la chapelle, au bord de la fontaine patronale, où quelquefois un dolmen en ruines, couvert d’un tapis de mousse, sert de siège aux ménétriers. Il y a moins d’un siècle que l’on dansait dans la chapelle même, pour honorer le saint du lieu[2]. On souffrait en quantité d’endroits, dit l’auteur de la vie de Michel le Nobletz, que les jeunes gens des deux sexes y dansassent durant une partie de la nuit, et l’on eût presque cru commettre quelque sorte d’impiété que de les empêcher de célébrer les fêtes des saints d’une manière si profane[3].

En certaines occasions, on allume encore la nuit des feux de joie dans un but semblable, sur le tertre de la chapelle et sur les collines voisines. Au moment où la flamme, comme un long serpent, déroule, en montant, ses anneaux autour de la pyramide de genêts et d’ajoncs qu’on lui a donnée à dévorer, et s’élance sur le bouquet qui s’élève à la cime, on fait douze fois processionnellement le tour du bûcher, en récitant des prières ; les vieillards l’environnent d’un cercle de pierres, et placent au centre une chaudière, où l’on faisait cuire jadis des viandes pour les prêtres ; aujourd’hui les enfants remplissent cette chaudière d’eau et de pièces de métal, et fixant quelques brins de jonc à ses deux parois opposées, ils en tirent des sons d’une harmonie, selon leur goût, tandis que les mendiants, à genoux à l’entour, la tête nue, et s’appuyant sur leurs bâtons, chantent en chœur les légendes du saint patron. Ainsi les an-

  1. Multitudo rusticorum…. exhiliens lanas, vellera, formas ceræ (Gregor. Tur., de Gloria confes., c. ii).
  2. C’était évidemment un usage païen contre lequel, à toutes les époques, se sont élevés les évèques ; « Statuimus ne choreæ fiant in ecclesiis… quod facientes aut cantilenas cantanles in iisdem excommunicamus, » etc. V. Statuta synodalia eccles. Trecorensis, ad ann. l320, et Statuta synodalia ecclesiæ Corisopilensis, ad ann. 1768.
  3. Le Parfait missionnaire, p. 185.