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INTRODUCTION.

traits fort souvent inexacts, mais qui passent pour vrais, et qu’on écoute toujours avidement. D’un autre côté, la vie du même personnage dans le monde des âmes, ses rapports avec les humains, dont le peuple ne doute pas; cette existence commencée sur la terre et qui se poursuit au delà du tombeau, ouvrent une carrière nouvelle à l’imagination populaire.

Que fera la muse rustique? Elle a traduit dans la langue des vers la première partie de l’histoire ; elle est forcée de l’amplifier et de traiter la seconde. De là, sans doute, dans un cas, des substitutions, et dans l’autre, des développements et des additions inévitables; mais ces substitutions des continuateurs n’altèrent pas plus l’essence du chant primitif que des additions faites par l’auteur lui-même. Celui-ci greffe des tiges nouvelles sur un arbre qu’il a planté, ou accélère, par une culture plus soigneuse, la pousse de quelques branches moins vivaces ; ceux-là ressemblent à la nature, qui, par d’élernels renouvellements, remédie à ses propres pertes. L’arbre de poésie, parvenu à son développement complet, peut donc de temps à autre, quoique vigoureux et plein de sève, laisser tomber des rameaux morts, bientôt remplacés par d’autres; mais, tant qu’il est debout, il reste inviolable et respecté.

Pour peu qu’on se donne la peine de recueillir quelques versions d’un même chant populaire, après un certain laps de temps, et de les comparer, on acquerra la preuve de cette fidélité de la tradition. Parmi ceux que je publie, il en est dont j’ai réuni jusqu’à vingt variantes, qui m’ont offert un fond identique d’événements, de mœurs ou de croyances, au bout de trente ans. Les unes étaient riches, détaillées et complètes, les autres pauvres, dépourvues d’ornements, tronquées; tantôt elles ne différaient entre elles que par des strophes ajoutées, retranchées ou corrompues, ou seulement par quelques vers; tantôt par l’omission du prologue ou de l’épilogue, tantôt par de simples locutions, surtout par des noms altérés ; mais, je le