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INTRODUCTION.

parfois des strophes entières, que le peuple ne comprend pas, — je l’ai dit et je le maintiens, — qu’il dénature étrangement, et dont nous n’avons pu nous-même retrouver le sens probable et la rédaction primitive qu’à l’aide d’un instrument précieux, la philologie et la poésie comparées. La comparaison des chants bretons des temps barbares avec les textes cambrions des sixième et septième siècles, était en effet le seul moyen d’arriver à la solution d’une question très-délicate de philologie et d’histoire, l’âge des uns pouvant être déterminé par celui des autres, dont il existe des manuscrits du douzième siècle, et même du neuvième, ce qui nous reporte presque à la grande époque de la littérature bardique[1] Or, si quelque portion de la poésie traditionnelle des Armoricains rappelle l’art, le tour, le vocabulaire et la grammaire des anciens bardes cambriens, c’est, de l’aveu de tous, celle qui a trait aux temps héroïques; et certes les analogies de mœurs, de croyances et de sentiments n’y contredisent pas.

Je pense donc que, loin de pouvoir rien arguer contre l’antiquité des chants bretons, de la teinte généralement moderne de leur style, on trouve un argument très-fort en faveur de cette antiquité même dans les traces d’archaïsme idiomatique non moins que dans la passion sauvage et l’accent farouche dont sont empreints six ou sept des premiers.

Il ne me reste plus qu’à examiner la question de savoir si les

  1. Voir mes Notices des manuscrits des anciens Bretons avec fac simile (Archives des missions scientifiques, vol. V. p. 234). Un critique peu crédule, M. Renan, a fait cet aveu : « Nous touchons cette époque de leur histoire d’aussi près et avec autant de certitude que l’antiquité grecque et romaine. »