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INTRODUCTION

En supposant qu’on ait admis ce qui précède, on pourra encore nous faire l’objection suivante :

Les chants populaires de la Bretagne, s’il en est de diverses époques, doivent en porter le cachet dans le style ; or, ils ont tous, à cet égard, la même teinte uniforme, ils sont tous écrits dans l’idiome moderne.

Nous allons essayer de répondre à cette objection.


VIII


Il existe entre la langue dont se servent les poëtes populaires de la Bretagne et les chants qu’ils composent, un désaccord singulier. La poésie est très-riche et la langue très-pauvre. La langue suffit tout juste à rendre, sans avoir recours aux formes grammaticales et aux vocabulaires étrangers, les idées du peuple qui la parle. Mais on peut voir qu’elle n’a pas toujours été aussi dénuée ; ses haillons laissent briller parfois les fils d’or d’une splendeur passée.

Sans sortir de notre sujet nous indiquerons sommairement quelques-unes des pertes grammaticales qu’elle a subies; nous en pouvons juger en comparant sa syntaxe à celle des autres nations celtiques.

Ainsi, elle n’a plus de passif régulier, à la différence du gallois; pour l’obtenir, elle est réduite à recourir aux auxiliaires. Ses substantifs n’ont conservé que deux désinences, l’une pour le singulier et l’autre pour le pluriel. Ses déclinaisons n’ont plus de cas, comme en a toujours le gaëlic; elle les remplace par des prépositions marquant le rapport des mots entre eux. Elle a perdu les préfixes ainsi que l’accord, en genre et en nombre, du nom avec l’adjectif, lequel ne varie plus sa terminaison, selon que le premier est du masculin ou du féminin, au sin-