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INTRODUCTION

et l’harmonie ; se reposer quand il se repose, s’arrêter quand il s’arrête ; faire accorder ensemble certaines finales qui suivent certains repos, et que l’air leur indique ; leur science ne va pas plus loin.

La prosodie bretonne est donc fondée sur le mètre et la rime. Les vers s’assemblent de manière à former des distiques ou des quatrains généralement de mesure égale. Ces vers ont trois, cinq, six, sept, huit, neuf, douze, et jusqu’à treize et quinze syllabes. Ceux de douze, comme en français, ont une césure au sixième pied ; ceux de treize syllabes, tantôt au sixième, tantôt au septième ; ceux de quinze, au huitième. Chaque hémistiche, chaque vers, chaque strophe, doit offrir un sens complet, et n’enjamber jamais sur l’hémistiche, le vers ou là strophe suivante. C’est bien le caractère rhythmique d’une poésie faite pour être entendue et retenue par cœur. Les rimes ne se croisent point comme dans la poésie écrite ; au moins ne connaissons-nous aucun chant vraiment populaire où cela ait lieu. En général elles satisfont l’oreille ; quelque-fois elles ne présentent qu’une simple assonance ; on remarquera qu’elles sont d’autant plus riches que le sujet du chant appartient à une époque plus reculée.

Telle est aujourd’hui la prosodie bretonne ; mais elle a eu d’autres traits qu’elle a perdus et dont plusieurs monuments qui nous restent portent des traces évidentes. Outre la rime, elle a employé l’allitération, c’est-à-dire l’accord harmonieux des consonnes entre elles dans un même vers[1] ; outre des distiques et des quatrains, elle a eu des tercets, formes artificielles, essentiellement opposées au génie de la vraie poésie populaire et qu’elle tenait des anciens bardes.

  1. Homère ne l’a pas dédaigné toujours, et nous pourrions lui emprunter maint exemple (Odyssée, IV, v. 489 ; Ibid., VII, v. 104, 116 et 117) ; en voici un tiré de l’ancienne poésie italienne :

    E brava breve in eterno notturno ;
    A mortali amar tale spento è spinto ;
    E capo corpi de una è diurno.