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INTRODUCTION

Telle est, d’après la tradition actuelle, la physionomie des nains bretons ; plusieurs des traits qu’elle présente leur sont communs avec les génies des autres peuples, particulièrement avec les Courètes et Carikines[1] dont le culte, importé sans doute par les navigateurs phéniciens, existait encore dans la Gaule et dans l’île de Bretagne, au troisième siècle de notre ère[2].

La mythologie phénicienne nous ramène donc à la mythologie celtique ; les carikines et courètes de l’Asie, aux korrigan et korred bretons.

Les anciens bardes, en nous faisant connaître la déesse Korridgwen, l’associent à un personnage mystérieux qui a beaucoup d’affinité avec nos nains. Ils l’appellent Gwion, l’esprit, et le surnomment le pygmée[3]. Son existence se trouva liée d’une façon assez étrange à celle de la déesse. Comme il veillait au vase mystique qui contenait l’eau du génie de la divination et le la science, vase qui rappelle d’une manière frappante la coupe des Courétes[4], trois gouttes bouillantes lui étant tombées sur la main, il la porta à sa bouche, et soudain l’avenir et tous les mystères du monde se dévoilèrent à lui. La déesse irritée voulant le mettre à mort, il s’enfuit, et, pour lui échapper, il se changea tour à tour en lièvre, en poisson, en oiseau, tandis qu’elle-même devenait tour à tour levrette, loutre et épervier ; mais le génie ayant eu l’inspiration fatale de se métamorphoser en grain de froment, la déesse, changée tout à coup en poule noire, le distingua de son œil perçant au milieu du monceau de blé où il s’était blotti, le saisit du bec, l’avala, et grosse aussitôt, elle mit au monde, au bout de neuf mois, un eniant charmant, qui s’appela Taliésin, nom com-

  1. Strabon, X, p.466 et seq. 473.
  2. Idem. IV, p.198, et Diodore de Sicile, IV, 56
  3. Myvyrian, t.I, p.17.
  4. Strabon, X, p.472.