Page:Barzaz Breiz, huitième édition.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
liv
INTRODUCTION

dérobent les enfants; on en accuse également les Morgan ou esprits des eaux, aussi du sexe féminin: elles entraînent, dit-on, au fond des mers ou des étangs, dans leurs palais d’or et de cristal, ceux qui viennent, comme le jeune Hylas, jouer imprudemment près des eaux.

Leur but, en volant les enfants, est, disent les paysans, de régénérer leur race maudite. C’est aussi pour cette raison qu’elles aiment à s’unir aux hommes : pour y arriver elles violent toutes les lois de la pudeur[1] comme les prêtresses gauloises[2].

Les êtres qu’elles substituent parfois aux enfants des hommes sont pareillement de race naine et passent pour leur progéniture; comme elles, ils portent les noms de korr, korrik et korrigan, qui s’appliquent aux deux sexes. On les appelle aussi kornandon, gwazigan et duz ou lutin. Ce dernier nom est celui du père de Merlin et d’une ancienne divinité adorée dans le comté d’York par les Bretons, qui la redoutaient fort, s’imaginant qu’elle pouvait surprendre les femmes dans leur sommeil.

La puissance des nains est la même que celle des fées, mais leur forme est très-différente. Loin d’être blancs et aériens, ils sont généralement noirs, velus, hideux et trapus ; leurs mains sont armées de griffes de chat et leurs pieds de cornes de bouc; ils ont la face ridée, les cheveux crépus, les yeux creux et petits, mais brillants comme des escarboucles ; leur voix est sourde et cassée par l’âge. Ils portent toujours sur eux une large bourse en cuir qu’on dit pleine d’or, mais où ceux qui la dérobent ne trouvent que des crins sales, des poils et une paire de ciseaux. Ce sont les hôtes des dolmen; ils passent pour les avoir bâtis; la nuit, ils dansent alentour, au clair des étoiles, une ronde dont le refrain primitif était :

  1. V. le Seigneur Nann et la Fée, p. 43.
  2. Amédée Thierry, Histoire des Gaulois, t. II, p. 23.