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INTRODUCTION

beaucoup plus les auditeurs du temps de la duchesse Anne que les auditeurs d’aujourd’hui, lesquels aiment cent fois mieux entendre la dernière chanson nouvelle ?

Est-ce que les malheurs d’un jeune Breton, prisonnier des hommes du Nord, ou ceux d’un autre guerrier, auxiliaire obscur de la conquête de l’Angleterre, expédition dont les paysans ne se doutaient pas plus au seizième siècle qu’à présent, pouvaient les toucher davantage ?

Est-ce qu’Abailard et Héloïse, la dame de Faouet ou la dame de Beauvau, dont les maris partent pour la croisade, ou les Templiers, ou Jean le Conquérant, Jeanne de Montfort et tant d’autres sujets surannés étaient de nature à stimuler bien vivement la curiosité populaire au seizième siècle et à faire vivre le poëte ?

On en peut dire autant des chansons domestiques. Si ces jeux-parties, qu’on chante en dansant autour des monuments celtiques, au solstice d’été, cérémonie qui rappelle d’une manière frappante celles qu’on célébrait à la même époque autour de monuments semblables, dans l’île de Bretagne, et dont les bardes gallois ont conservé le souvenir[1] ; si ces drames nuptiaux, dont le style varie au gré du chanteur, mais dont le thème et la forme ne changent jamais ; si des élégies amoureuses, composées par des malheureux attaqués de la lèpre, fléau dont il ne restait plus de traces en basse Bretagne à la fin du quinzième siècle ; si tous ces chants datent du règne de la duchesse Anne, alors il faut croire que le druidisme florissait encore assez à cette époque en Armorique pour avoir pu y établir des fêtes et inspirer des hymnes; que les actes du concile de Vannes, qui mentionnent au cinquième siècle les cérémonies et les chansons d’amour des noces[2], sont

  1. Myvyrian, t. I, p. 60, 61, 74.
  2. Nuptiarum convivia… ubi amatoria cantantur, et motu corporum choris et saltibus efferuotur. (Loco supra citato.)