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INTRODUCTION.

et celle des autres chanteurs de ballades, c’est qu’il rentre chaque soir au moulin ; comme eux, du reste, il fait le tour du pays ; il traverse les villes, les bourgs, les villages ; il entre à la ferme et au manoir, il visite le pauvre et le riche ; il se trouve aux foires et aux marchés, il apprend les nouvelles, il les rime et les chante en cheminant ; et sa chanson, répétée par les mendiants, les porte bientôt d’un bout de la Bretagne à l’autre.

En effet, les mendiants, en cela semblables aux anciens rapsodes et aux jongleurs, colportent et répètent plus souvent les chansons des autres qu’ils n’en composent eux-mêmes. Il est très-remarquable que, méprisés ailleurs et le rebut de la société, ces gens soient honorés en Bretagne, et presque l’objet d’un culte affectueux ; cette commisération toute chrétienne emploie les formes les plus naïves et les plus tendres dans les dénominations qu’elle leur donne ; on les appelle : bons pauvres, chers pauvres, pauvrets, pauvres chéris, ou simplement chéris ; quelquefois on les désigne sous le nom d’amis ou de frères du bon Dieu. Nulle part le mendiant n’est rebuté ; il est toujours sûr de trouver un asile et du pain partout, dans le manoir comme dans la chaumière. Dès qu’on l’a entendu réciter ses prières à la porte, ou dès que la voix de son chien a annoncé sa présence (car il est souvent aveugle et n’a généralement d’autre guide qu’un chien), on va au-devant de lui, on l’introduit dans la maison, on se hâte de le débarrasser de sa besace et de son bâton, on le fait asseoir au coin du feu, dans le fauteuil même du chef de famille, et prendre quelque nourriture. Après s’être reposé, il chante à son hôte une chanson nouvelle, et ne le quitte jamais que le front joyeux et la besace plus lourde. Aux noces, on le trouve à la place d’honneur au banquet des pauvres, où il célèbre l’épousée qui le sert elle-même à table.

Le barz occupe dans l’ordre (qu’on me passe cette expres-