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INTRODUCTION.

ne point oublier cette histoire, j’en ai fait une chanson, afin d’en conserver le souvenir[1]. »

« Celui qui vous chante cette chanson, dit l’auteur de la Bataille de Morat, peut maintenant se nommer ; il a été lui-même témoin de ce qu’il raconte : il s’appelle Jean Ower[2]. »

Cette vérité s’applique, dans sa généralité, aux trois genres de compositions populaires de la Bretagne précédemment indiqués ; les écrivains du moyen âge la reconnaissaient comme nous aujourd’hui :

« Les Bretons, disait Marie de France, au treizième siècle, ont coutume de faire des lais[3] sur les aventures qui ont lieu pour qu’on ne les oublie pas ; j’en ai rimé quelques-uns en français[4]. » Les auteurs anonymes des lais de l’Épine[5] et d’Havelok[6]. tiennent le même langage.

Leur témoignage sur l’usage breton de mettre en chanson les événements contemporains, reçoit une force nouvelle de l’examen de la poésie bretonne.

Le poëte qui a célébré la victoire du héros Lez-Breiz (le Morvan de l’histoire), sur les Franks, termine de la sorte une des parties de son poëme national :

« Ce chant a été composé pour garder le souvenir du com-

  1. Histoire de Georges Katoverga, Chants populaires de la Grèce moderne, t. II.
  2. X. Marmier, Chants de guerre de la Suisse. (Revue des Deux Mondes, 4e série p. 215, 1836.)
  3. Lais, en irlandais chanson, en gallois son, voix et chant, en breton son lugubre (V. Rostrenen, Dict., t. I, p. 231.) Il n’est plus en usage que dans ce dernier sens, mais il a dû exprimer l’idée d’une ballade élégiaque, à en juger par le morceau que nous possédons, et auquel Marie de France donnait ce nom.
  4. Lai d’Équitan, sire de Nantes. Marie de France. (Ap. Roquefort, t. 1, p. 114 et prologue, p. 44.)
  5. De l’aventure que dit ai,
    Li Breton en firent un Lai. (Ibid., p. 580.)

  6. Li ancien, por remenbrance.
    Firent un Lai de sa victoire,
    Et que touz jors en soit mémoire…
    Un Lai en firent li Breton.

    (Lai d’Haveiok et d’Argentille, manuscript. reg. no 7595.)