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INTRODUCTION.

venir indifféremment à toutes les époques de l’histoire de la poésie bretonne, depuis les temps les plus reculés. Nous verrons plus tard, en descendant le courant des âges, quelles nuances particulières lui ont données les événements, les mœurs et les temps.

Le principe de toute poésie populaire, c’est l’âme humaine dans son ignorance, dans sa bonne foi, dans sa candeur native ; l’âme, « non sophistiquée, dit Montagne, et sans cognoissance d’aulcune science ni mesme descripture[1] ; » et cependant, pressée par un besoin instinctif de confier à quelque monument traditionnel le souvenir des événements qui surviennent, les émotions qu’elle éprouve, les dogmes religieux ou les aventures des héros.

De ce principe découle une vérité admise par les juges les plus compétents en fait de poésie orale, et qui doit servir de base à tout ce qui suivra, savoir, que les poëtes vraiment populaires sont, en général, contemporains de l’événement, du sentiment, ou de la tradition ou croyance religieuse dont ils sont l’organe, et que, par conséquent, pour trouver la date de leurs œuvres, il faut chercher à quelle époque appartiennent soit les événements et les personnages qu’ils mentionnent, soit les sentiments qu’ils expriment, soit les opinions ou traditions pieuses qu’ils consacrent[2].

Le jugement de la critique s’appuie sur le témoignage des poëtes populaires eux-mêmes :

« Comme je ne sais point lire, dit un chanteur grec, pour

  1. Essais, liv. I, c. liv 54.
  2. Fauriel, Chants populaires de la Grèce moderne, Introduction, passim ; J. J. Ampère, Histoire littéraire de la France, t. I, p. 21 ; Grimm, Deutsche Haus und Kindermarchen, Introduction, passim, et Deutsche Mythol., 1844, t. 1, p. 408 et 416 ; Rüs, Edda, p. 61 ; Ferdinand Wolf, Uber die Lais, p. 359 ; Adolf Wolf, Volkslieder aus Venetien. M. Nigra est venu joindre son autorité à celle de ces maîtres : « La poesia storica, popolare e tradizionale, è coeva, nelle sue origini, al fatto per essa doscritto. » (Canzoni popolari del Piemonte. Revista contemporanea. Genn., 1858, p. 51.)