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INTRODUCTION.

garde à votre âme ; si ce monde vous appartient, l’autre appartient à Dieu[1] ! »

La même lutte ayant eu lieu en Irlande entre le druidisme et le christianisme, les mêmes souvenirs en sont restés dans la mémoire des poètes populaires. On a publié un dialogue entre Ossian et saint Patrice, où l’apôtre de l’Irlande s’efforce pareillement de détourner le barde de ses vieilles superstitions[2].

Nous pourrons encore trouver çà et là quelques éléments druidiques égarés au milieu de la poésie bretonne, mais elle sera désormais chrétienne. Le chant de la magicienne semble l’anneau qui la rattache au bardisme païen, en marquant le passage des doctrines anciennes aux nouveaux enseignements.

La poésie chrétienne elle-même ne put se soustraire entièrement à l’action du passé. De même que les évêques de la Gaule, ces druides chrétiens, comme les appelle Joseph de Maistre, conservèrent, suivant l’expression du même philosophe, une certaine racine antique qui était bonne ; de même qu’ils greffèrent la foi du Christ sur le chêne des druides et qu’ils n’abattirent pas tous ces arbres sacrés ; ainsi les poëtes nouveaux ne brisèrent point la harpe des anciens bardes, ils y changèrent seulement quelques cordes. Ce fait, dont les monuments gallois des temps barbares nous offrent la preuve, est appuyé sur deux chants bretons de même date. L’auteur du premier met en scène un saint doué, comme les anciens druides, de l’esprit prophétique, et lui fait prédire au roi d’une autre Sodome la submersion de sa capitale[3] ; le second fait prophétiser à un barde chrétien l’invasion de la peste en Bretagne[4].

  1. Loiza, p. 138.
  2. Miss Brooke, Irish Poetry, p. 73. Cf. ma Légende celtique.
  3. Submersion de la ville d’Is, p. 59.
  4. La peste d’Elliant, p. 52.