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INTRODUCTION.

bêtes sauvages ; qu’on les égorgera en masse ; que leur sang, coulant à flots, fera tourner la roue du moulin, et qu’elle n’en tournera que mieux ! Sa haine éclate avec une violence nouvelle quand il parle d’un prince chrétien, en guerre avec sa nation, et dont la brutale colère lui fit crever les yeux. Conviant, au milieu de la nuit, les aigles du ciel à un horrible festin de ses ennemis, il leur fait tenir ce langage : « Ce n’est point de la chair pourrie de chiens ou de moutons, c’est de la chair chrétienne qu’il nous faut. »

Puis, à l’exemple des druides dont les hymnes guerriers soutenaient le courage des Gaulois compagnons de Vindex, en leur prédisant la victoire ; à l’exemple de Taliésin et de Merhn pronostiquant la ruine de la race saxonne et le triomphe des indigènes ; Gwenc’hlan, dans une poétique imprécation qui rappelle les diræ preces des druides de l’île de Mona, annonce la défaite des étrangers chrétiens ; il voit le chef armoricain attaquer son rival ; il l’excite ; l’ennemi tombe baigné dans son sang, il voit son cadavre abandonné sur le champ de bataille en pâture aux oiseaux de proie, et livre sa tête au corbeau, son cœur au renard, et son âme au crapaud, symbole du génie du mal[1].

Au milieu de ces cris de vengeance, une plainte toute personnelle échappe quelquefois au vieillard aveugle et malade : comme toujours, l’invincible nature gémit : J’étais jeune et superbe ! Mais bientôt le barde fait taire l’homme, en lui montrant la loi fatale des druides, et, pour consolation, le repos dans l’immortalité après la triple épreuve de la métempsycose.

Les chants des poètes gallois, contemporains de Gwenc’hlan, portent la même empreinte profonde de mélancolie, de fatalisme et d’enthousiasme ; ils respirent le même esprit prophétique et national ; toutefois ils ne sont pas purement païens ;

  1. Prophéties de Gwenc’hlan, p. 20, 21 et 22.