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INTRODUCTION.

Gwenc’hlan est toujours aussi célèbre que du temps où ces lignes furent écrites ; mais le précieux recueil de ses poésies a disparu pendant la Révolution, et nous sommes forcés d’en juger par le peu de vers que la tradition populaire a sauvés du naufrage. Il s’y montre sous un double aspect : comme agriculteur et comme barde guerrier.

L’agriculteur, type éclairé de l’homme des champs dans les sociétés primitives, et pilier de l’existence sociale chez les anciens Bretons, est un pauvre vieillard aveugle ; il va de pays en pays, assis sur un petit cheval des montagnes, que son jeune fils conduit par la bride. Il cherche un champ à cultiver et où il pourra bâtir. Comme il sait quelles plantes produit la bonne terre, de temps en temps il demande à l’enfant : « Mon fils, vois-tu verdir le trèfle ? − Je ne vois que la digitale fleurir, répond l’enfant. — Alors, allons plus loin, » reprend le vieillard. Et il poursuit sa route. Lorsqu’il a enfin trouvé le terrain qu’il cherche, il s’arrête ; il descend de cheval, et, assis sur une pierre, au soleil, il indique à son fils les engrais les plus propres à fertiliser le sol et l’ordre des travaux que la culture exige, selon les différentes saisons. La conclusion de ses leçons d’agriculture est très-encourageante :

« Avant la fin du monde la plus mauvaise terre produira le meilleur blé. »

Ses doctrines comme barde guerrier ne sont pas à beaucoup près aussi consolantes, et il le faut mettre, avec Aneurin, au nombre des bardes qui, au lieu de rester étrangers à la guerre, selon certains statuts que l’on attribue à leur ordre, ont rougi le glaive de sang. Le sang des prêtres chrétiens, le sang des moines usurpateurs de la harpe bardique et ravisseurs de la jeune noblesse qu’ils vont élever à leur tour, est surtout celui dont Gwenc’hlan paraît altéré. Il prédit, avec une joie féroce, qu’un jour les hommes du Christ seront traqués et hués comme des