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CHANTS POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

Vous direz adieu à tout le monde ; et à mon frère que je lui pardonne.

V

Deux ou trois mois après, sa famille était couchée,

Était couchée et reposait doucement, vers minuit.

Ni au dedans ni au dehors, aucun bruit ; on entendit à la porte une voix douce :

— Mon père, ma mère, pour l’amour de Dieu, faites prier pour moi ;

Priez aussi et prenez le deuil : votre fille est sur les tréteaux funèbres. —


NOTES

Les poêles bretons ne réussissent jamais mieux que lorsqu’ils peuvent se mettre eux-mêmes à la place de leurs acteurs, et qu’ils ont à peindre quelques-uns des sentiments les plus énergiques de leur race, l’amour du pays, par exemple. Le poëme qu’on vient de lire en est une preuve bien frappante.

L’oiseau de la Mort (un oiseau gris qui chante l’hiver, dans les landes, d une voix douce et triste et que je crois être l’orfraie) prédit à la jeune fille ses malheurs, comme la corneille noire au berger de Virgile. Elle interroge son père, sa mère, tout le monde ; personne n’ose lui répondre. Enfin elle s’adresse à son frère, et la fatale vérité éclate comme la foudre ; elle l’apprend d’un cœur résigné. Bientôt elle part sans se plaindre ; elle a contenu jusque-là sa douleur. Mais les cloches de la paroisse se font entendre ; elle n’y peut plus tenir ; son cœur se brise. Le poète touche ici à une des plus chères affections du paysan breton : ses cloches ; ce ^ont pour lui des sœurs. Leur baptême est une fête pour la paroisse ;