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INTRODUCTION

destinées[1]. Taliésin, alors exilé de son pays natal, habitait, comme on l’a dit, de ce côté-ci de la mer, près de Gildas, au pays gouverné par le comte Warok[2]. Le messager royal se rendit vers lui et lui rapporta ces paroles de Jud-Hael : « O toi qui interprètes si bien toute chose ambiguë, vois et juge le songe merveilleux que j’ai fait, et que j’ai conté à beaucoup de gens sans que personne ait pu me l’expliquer. » Puis il lui fit part du songe de son maître.

« Ton seigneur Jud-Hael règne bon et heureux, répondit le barde, mais il aura un fils qui régnera meilleur et plus heureux que lui sur la terre et au ciel, et qui sera père des plus braves enfants de toute la nation bretonne, lesquels seront pères eux-mêmes de comtes royaux et de pontifes bienheureux, et régneront sur les successeurs du chef de la race, dans tout le pays, depuis le plus petit jusqu’au plus grand. Or ce chef de la race sera l’un des plus grands d’entre les guerriers de la terre et n’aura point d’égal parmi les guerriers du ciel : la première moitié de sa vie appartiendra au siècle, la seconde moitié à Dieu. »

En quittant le monde, après un règne glorieux, pour entrer dans le cloître, Judik-Hael, fils de Jud-Hael, réalisa la prédiction de Taliésin et contribua beaucoup à étendre la renommée du poëte en Armorique.

D’autres bardes, et en grand nombre, y émigrèrent comme lui. Deux des plus célèbres, saint Sulio et Hyvarnion, y moururent. La vocation poétique du premier, que les Gallois appellent saint Y Sulio, et dont ils ont quelques poésies, se décida et fut assurée d’une manière assez singulière.

  1. Taliesinus, bardus, filius Onis, fatidicus præsagacissimus qui per divinationem, præconio mirabili fortunatas vitas et infortunatas disserebat fortunatorum hominum et infortunatorum per fatidica verba. (Ingomar, ap. Chron. Briocense. Biblioth. reg., Mss no 6003.)
  2. Ad provinciam Waroki ad Locum Gildæ (Lok Gweltas?) ubi erat peregrinus et exul. (Ibid.)