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CHANTS POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

viaire (visage) si détaillé et découpé qu’il montroit bien que la besogne fut bien combattue.

Il y a quelques différences entre le récit du chanteur breton et le récit du poëte français. Le trouvère assure que Bembrough fut blessé à mort par Alain de Keranrais et achevé par Geoffroi du Bois[1] ; selon lui encore, ce fut Jean de Beaumanoir que Bembrough défia, et non Tinteniac, comme le veut le poëte populaire, qui donne à tort le nom de Robert au premier.

La substitution du nom de Tinteniac, bas-breton, à celui de Beaumanoir, haut-breton, par un poëte de basse Bretagne, s’explique aisément.

Au reste, selon le trouvère,

Tinteniac le bon était tout le premier,
Celui de Beaumanoir que l’on doit renommer,
Et toujours pour ce fait ouïrons de lui parler.

Le chanteur populaire, tout en citant le mot fameux de Geoffroi du Bois, omet une circonstance touchante, celle du jeûne de Beaumanoir, à l’occasion de la semaine sainte :

Grande fut la bataille et longuement dura :
Et le chapple (carnage) horrible et deçà et delà ;
La chaleur fut moult grand’, chacun si tressua (sua) ;
De sueur et de sang la terre rosoya.

A ce bon samedi Beaumanoir si jeûna :
Grand soif eut le baron, à boire demanda :
Messire Geoffroy du Bois tantôt répondu a :

— Bois ton sang, Beaumanoir, la soif te passera,
Ce jour aurons honneur, chacun si gagnera
Vaillante renommée, ja blâmé ne sera. —
Beaumanoir le vaillant adonc s’évertua.
Tel deuil eut et telle ire que la soif lui passa ;
Et d’un côté et d’autre le chapple commença ;
Morts furent ou blessés, guères n’en échappa.

D’après le récit populaire, les Bretons revinrent du combat le casque orné de rameaux de genêts fleuris ; la prairie où la bataille eut lieu courait effectivement, selon le poëte français,

Le long d’une génetaie qui était verte et belle.

  1. La bataille des Trente, édition de Crapelet.