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LE ROSSIGNOL.

Le trouvère termine ainsi :

Cette aventure fut contée,
Ne put être longtemps celée (cachée) ;
un lai en firent les Bretons,
Et le Eostik rappelle-t-on.

La fidélité de l’imitation ne permet pas de douter que Marie de France n’ait traduit sur l’original. Les fleurs qu’elle a cru devoir y broder, et les traits charmants qu’elle omet, ne prouveraient pas le contraire. Si elle juge nécessaire d’apprendre au lecteur que rossignol se dit eostik en breton, et nightingale en anglais, c’est évidemment pour lui montrer qu’elle connaît les langues bretonne et anglaise. Quand même elle n’aurait pas eu cette intention, on devinerait qu’elle entendait et parlait le breton à plusieurs expressions dont elle sème ses écrits, au mot enkrez (chagrin), par exemple, qu’elle francise en engresté, dans la pièce qui nous occupe. On le jugerait encore, à certaines manières de dire qu’offre très-souvent notre ballade, comme tous nos chants populaires, et qu’elle reproduit.

On le verrait surtout par la forme rhythmique de sa pièce, forme identique à celle de l’original, et dont les vers pourraient se diviser de même en distiques formant un sens complet, et se chanter sur l’air breton, Je vais plus loin (et ceci me porte a croire que notre version est bien publiée dans son dialecte naturel), Marie a très-probablement traduit d’après le dialecte de Léon, car c’est le seul où rossignol se soit toujours écrit et prononcé eostik ; en Cornouaille, en Tréguier et en Vannes, on a constamment écrit estik ou est, comme en Cambrie eos.

Cette ballade a été rajeunie de nos jours par Brizeux, d’après les deux pièces bretonne et française.