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XVI


HÉLOISE ET ABAILARD
— DIALECTE DE CORNOUAILLE —




ARGUMENT


L’histoire d’Héloïse et d’Abailard a fourni un sujet à notre poésie populaire; mais elle l’a chantée à sa manière. Ce ne sont ni les amours, ni les malheurs des deux amants qui l’ont frappée. La métamorphose qu’elle a fait subir à cette femme célèbre est fort étrange ; on voudrait pouvoir en douter, mais il n’y a pas matière à l’ombre d’un doute. Les faits sont positifs : la charmante Héloïse est changée en affreuse sorcière.

On sait qu’elle passa avec Abailard plusieurs années au bourg de Pallet, près de Nantes (1099). Durant leur séjour en Bretagne, le bruit de son savoir se sera répandu partout; le peuple en aura été émerveillé, et comme, à cette époque de naïve ignorance, tout savant, sans l’orthodoxie, était un sorcier, on lui en aura départi les connaissances et les attributs : telle est la cause principale de cette transformation singulière. Mais elle n’eut pas lieu seulement en Bretagne; on la trouve jusqu’en Italie. Montrant à Ampère un débris de môle à Naples, un mendiant lui dit : Lo fece Petro Bailardo per una Maga, « Pierre Abailard a fait cela à l’aide d’une Magicienne. »




Je n’avais que douze ans quand je quittai la maison de mon père, quand je suivis mon clerc, mon bien cher Abailard.

Quand j’allai à Nantes, avec mon doux clerc, je ne savais, mon Dieu, d’autre langue que le breton ;