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LE FAUCON.

Quand ils arrivèrent à Guerrande, ils étaient trente mille trois cents, et alors Kado s’écria :

— Allons ! courage ! c’est ici ! —

Il n’avait pas fini de parler, que trois cents charretées de lande avaient été amenées et empilées autour du fort, et que la flamme, ardente et folle, l’enveloppait ;

Une flamme si ardente, une flamme si folle, que les fourches de fer y fondaient, que les os y craquaient comme ceux des damnés dans l’enfer,

Que les agents du fisc hurlaient de rage en la nuit, comme des loups tombés dans la fosse, et que le lendemain, quand le soleil parut, ils étaient tous en cendre.


NOTES


Ainsi se vengeaient les campagnards bretons, forcés de se faire justice à eux-mêmes, à défaut de chefs nationaux de leur race pour la leur rendre. La sœur du duc de Normandie fit entourer, massacrer, disperser et poursuivre, par ses hommes d’armes, selon l’expression d’un contemporain, les bandes insurgées des pauvres paysans[1]. Mais, plus tard, le joug de l’étranger s’étant adouci en s’usant, comme il arrive toujours, un duc, plus humain et plus juste, voyant l’oppression dont le peuple était l’objet de la part des roturiers, que les nobles, revêtus du titre de sergents féodés, chargeaient d’exercer leurs fonctions, publia l’ordonnance suivante : « Pour ce que au temps passé nos sergentises ont esté données à personnes poy savantes et moins suffisantes, quant ad ce (c’est-à-dire non nobles) ; et quand elles ont esté données à personnes suffisantes, ceulx les affermoient à aultres personnes moins suffisantes, et en tel nombre que ce qui pouvoit estre gouverné par un seul estoit affermé à deux, trois, quatre ou cinq (intermédiaires), qui tous convenoient vivre


  1. Agmina rusticorum invadunt, trucidant, dispergunt, presequuntur. (Histoire de Bretagne, Preuves, t. I, col. 335.)