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LEZ-BREIZ.


Que dans la Bretagne il soit répété !
Que ton nom, Lez-Breiz, partout soit chanté!

Allez donc, mes vers, dans tous les cantons,
Et semez la joie au cœur des Bretons[1].

Malheureusement la mort n’a pas permis au poëte, qui semait lui-même la joie au cœur de ses compatriotes, de traduire Lez-Breiz jusqu’au bout.

J’ai complété ou rectifié ce poëme au moyen de différentes versions dont je suis redevable à M. Victor Villiers de l’Isle-Adam, à M. de Penguern, à M. P. de Courcy, et à plusieurs habitants des montagnes d’Arez et des Montagnes Noires. C’est là qu’on chante principalement l’enfance de Lez-Dreiz, où l’auteur met si Lien en relief le penchant du génie celtique pour une certaine simplesse, plus tard glorifiée. Son retour au manoir se chante à Plévin, ainsi que la belle légende formée des deux circonstances réelles de la mort du héros breton, sujet des chants cinquième et sixième, qu’Augustin Thierry a cités in extenso dans la dernière édition de ses Dix ans d’études historiques (p. 577).

Les livres, a-t-on dit, ont leur destinée; il en est ainsi des chansons populaires, et souvent elle est fort curieuse. La légende de Lez-Breiz offre un exemple remarquable de la manière dont elles se perpétuent en se renouvelant sans cesse. A un courant traditionnel d’une époque très-ancienne est venu se mêler un courant historique tout nouveau ; le vieux nom de Lez-Breiz ou Lezou-Breiz, par sa ressemblance avec celui de Les Aubrays, que portait, au dix-septième siècle, le fameux Jean de Lannion, et l’analogie du caractère belliqueux et dévot des deux personnages, ont produit une confusion des plus favorables au rajeunissement du héros primitif. Sans nul doute, l’un doit à l’autre d’être demeuré populaire jusqu’à nos jours. En célébrant le dernier, après sa mort, les chanteurs de son pays de Goélo, et même ceux de Cornouaille, lui ont attribué les aventures fantastiques du prince léonnais ; et comment n’auraient-ils pas été conduits à une appropriation si naturelle, quand un archéologue breton, à qui nous devons la publication du testament olographe du châtelain des Aubrays, daté du 21 janvier 1651, atteste avoir vu, dans le caveau d’une chapelle en ruines, sa tête sciée en deux, comme l’avait été la tête de Lez-Breiz, à côté de tibias gigantesques[2] ?

  1. Chant de Lez-Breiz (œuvres complètes de Brizeux)
  2. Voyez l’intéressante notice de M. Ch. de Kerantflech sur la chapelle de Kermaria-Nisquit, p. 11 (Nantes, V.Forest, 1857)