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LEZ-BREIZ.



Si lui dit : Qu’avez-vous, sœur Iselle ?
— Sire, ce dit la damoiselle,
Pour vous me souvient de mon frère
Que ne vis desque (depuis que) petite ère (j’étais),
Et ne sais s’il est vif ou mort,
Mais en lui est tout mon confort ;
Espérance ai qu’encor le voie.
Je ne sais que plus en diroie ;
Mais quand vois aucun chevalier,
Si ne me peut le cœur changier
Ni muer qu’il ne m’attendrie.
— Celles, l’ait Perceval, amie,
Nul hom’ ne s’en doit merveiller (étonner);
Mais or me dites, sans tarder,
Si vous serour (sœur) ni frère avez,
Plus que celui que dit avez.
— Certes, fait-elle, beau doux sire,
Rien vous en cuit (faut) la verte (vérité) dire :
Je n’ai plus frère ni serour ;
J’en ai au cœur moult grand irour (chagrin),
Pour ce que suis seule en ce bois.
Bien dix ans (il y) a et quatre mois
Qu’il advint que mon frère ala
En cèle grant foret de là
A la cour du roi s’en ala.
Ne sais comment il esploita (agit);
Onques puis n’en ai ouï parler.
Quand de céans le vits aller
Ma mère si chaït (tomba) pamée;
De demi fut morte (mourut) et alinée. —
Alors a Perceval pleuré ;
Elle le prit à regarder,
Si lui vit la couleur muer (changer)
lit à larmes faire la trace
Qui lui courent aval (au bas de) la face.
Si lui a dit : Parfoi, biau sire.
Si votre nom me vouliez dire,
Sachiez que volontiers l’ouïrais.
Perceval dit : Je ne saurais
Mon nom céler (cacher), ma douce sœur.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Grand pièce (longtemps) après a répondu.
— Suer, fait-il, en baptême fu
Par nom Perceval appelé. —
Quand elle ouït qu’il s’est nommé.
Si (elle) fut si ébahie et prise
Qu’à qui lui donât toute (la) Frise,
Elle n’aurait pu mot sonner (dire).
Perceval la vet (va) acoler (embrasser),
Et lui dit qu’il était son frère.
Et que pour lui morte iert (était) sa mère.
Quand elle l’entend, si (elle) le baise,
Nule rien n’a qui lui deplaise,
Mais moult grande joie s’entrefont.

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  1. Voir le texte non rajeuni, dans Li Romans de Perceval, par Chrestiens de Troyes, manuscrit de la Bibliothèque impériale. Cangé,n° 7536.