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XI

LEZ-BREIZ

FRAGMENTS ÉPIQUES

— DIALECTE DE CORNOUAILLE—




ARGUMENT


Morvan, machtiern ou vicomte de Léon[1], si célèbre dans l’histoire du neuvième siècle, comme un des soutiens de l’indépendance bretonne, n’est pas moins fameux dans nos traditions populaires, où on le surnomme Lez-Breiz[2]. Je ne possédais qu’un fragment du cycle poétique dont il est le centre, lorsque je publiai les premières éditions des Chants populaires de la Bretagne, et le nom réel du héros n’y était pas mentionné ; de nouvelles découvertes sont venues m’apprendre qu’il s’agissait du rival de Louis le Débonnaire. Dans un vers que je n’ai aucune raison de croire interpolé, il s’appelle lui-même Morvan et se donne pour fils d’un Konan, ou chef couronné. Or, les vicomtes de Léon prétendaient descendre du fabuleux Konan Mériadek, et d’Argentré, rappelant que leur prétention était appuyée sur la tradition populaire, s’exprime ainsi : « Morvan estoit issu de la race, comme on disoit, de Conan[3]. »

Nous avons maintenant six fragments complets du poëme de Lez-Breiz : le premier roule sur son départ de la maison de sa mère, à l’âge où l’amour des armes s’éveille fortuitement dans son âme; le second regarde son retour ; les autres, ses combats et sa mort, ou, pour mieux dire, la péripétie étrange en laquelle le patriotisme armoricain a changé le dénoûment avorté de l’histoire du héros breton. Après l’avoir montré vainqueur d’un guerrier à qui le roi des Gaulois, c’est-à-dire des Franks, avait donné mission de le tuer, puis d’un géant more doué de vertus magiques, le poëte le met aux prises avec le roi lui-même, plus heureux que ses émissaires. Vaincu et blessé mortellement, Lez-Breiz disparaît du milieu du monde, mais non sans espoir de retour.

Arthur chez les anciens Bretons, Holgar chez les Danois, don Sébastien en Portugal, l’empereur Frédéric Barberousse chez les Allemands, et Marco chez les Slaves, ont eu la même destinée poétique ; leur vie, qui appartient à l’histoire, s’est exhalée en poésies dans les traditions de leurs compatriotes.

  1. Regnante domino imperatore Hludovico, anno xxii regni ejus, Morman Machtiern (Cartularium Redonense, ad ann. 800 ; Ap. de Comson, cf. D. Morice, preuves, t. 1, col. 265.)
  2. Lez-Breiz veut dire à la lettre : Hanche de la Bretagne (de Lez, hanche, au figuré, soutien, Breiz, Bretagne. V. Le Gonidec, au mot Lez). On l’appelle aussi quelquefois Lezou-Breiz. Lezou est le pluriel, aujourd’hui inusité, de Lez.
  3. Histoire de Bretagne, p. 103.