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CHANTS POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

Ô glaive ! ô grand Roi du champ de bataille ! ô glaive ! ô grand Roi !
— Ô feu ! ô feu ! etc.
Que l’arc-en-ciel brille à ton front ! que l’arc-en-ciel brille !
— Ô feu ! ô feu ! ô acier ! ô acier ! ô feu ! ô feu ! ô acier et feu ! ô chêne ! ô chêne ! ô terre ! ô flots ! ô flots ! o terre ! ô terre et chêne ! —



NOTES


Il est probable que l’expédition à laquelle ce chant sauvage fait allusion eut lieu sur le territoire des Nantais, car leur vin est blanc, comme celui dont parle le barde. Les différentes boissons qu’il prête aux Bretons, le vin de mûre, la bière, l’hydromel, le vin de pommes ou le cidre, sont aussi celles dont ils usaient au sixième siècle.

Sans aucun doute, nous avons ici deux chants distincts, soudés par l’effet du temps. Le second commence à la treizième strophe, et est un hymne guerrier en l’honneur du soleil, un fragment de la Ronde de l’Épée des anciens Bretons. Comme les Gaëls et les Germains, ils avaient l’habitude de s’y livrer pendant leurs fêtes : elle était exécutée par des jeunes gens qui savaient l’art de sauter en mesure circulairement, en lançant en l’air et recevant dans la main leurs épées[1]. On la voit figurée sur trois médailles celtiques de la collection de M. Hucher : dans l’une, un guerrier bondit en brandissant d’une main sa hache de bataille, et rejetant, de l’autre, en arrière sa longue chevelure flottante ; sur une seconde, un guerrier danse devant un glaive suspendu, et il répète évidemment, dit M. Henri Martin, l’invocation : « Ô glaive ! ô grand roi du champ de bataille ! ô glaive ! ô grand roi ! » Ceci, on le voit, nous rejetterait en plein paganisme. Il est du moins certain que la langue des sept dernières strophes est encore plus vieille que celle des douze autres. Quant à sa forme, la pièce entière est régulièrement allitérée d’un bout à l’autre, comme les chants des bardes primitifs, et soumise, comme eux, à la loi du rhythme ternaire. Je n’ai pas besoin de faire remarquer quel cliquetis d’armes entrechoquées elle rappelle à l’oreille et quel souffle strident respire la mélodie.


  1. Ollaus Magnus, Histor. septent. gentium (p. 408), de chorco gladiatoria vel amifera saltatione.