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CHANSONS POPULAIRES DE LA BRETAGNE.


Tercet curieux, unique débris de je ne sais quel antique rituel, dont les vers, à trois mots et au dialecte près, cadrent exactement avec ceux de la ballade bretonne. Cela nous porte à croire que cette ballade remonte pour le fond à une époque antérieure à la séparation définitive des Bretons insulaires et des Bretons armoricains, opinion que rien ne parait contredire, et que confirme, à notre avis, la forme ternaire des strophes, et l’allitération régulière qu’elle présente d’un bout à l’autre.

Par un hasard extraordinaire, un écrivain latin du douzième siècle, l’auteur de la légende de Merlin, met les paroles que nous venons de citer dans la bouche de son barde sorcier.

« Il y a dans cette forêt, dit Merlin, un chêne chargé d’années ; je l’ai vu lorsqu’il commençait de croître... J’ai vu le gland dont il est sorti, germer et s’élever en gaule... J’ai donc vécu longtemps[1]. »

Si cette remarquable coïncidence n’était pas l'effet du hasard, elle prouverait que l’écrivain gallois, qui faisait ainsi parler Merlin, connaissait le chant populaire, et serait pour notre ballade une nouvelle preuve d’antiquité.

  1. Vita Merlini Caledoniensis, p. 47. Cf. Myrdhinn ou l'enchanleur Merlin; p. 137.