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LES SÉRIES.


tons. « Cette pierre, disent-elles, vint en héritage à Tudno Tedgled, fils de Jud-Hael, chef armoricain. Il suffisait d’y passer légèrement les épées des braves pour qu’elles coupassent même l’acier ; mais, loin d’aiguiser celles des lâches, elle les réduisait en poussière. De plus, quiconque était blessé par la lame qu’elle avait aiguisée mourait subitement[1]. »

V. Les cinq zones de la terre étaient connues des anciens bardes, comme les trois parties du monde. Un poëme attribué à Taliésin, et qui présente plusieurs points d’analogie avec le chant armoricain, offre la preuve de ce fait « La terre, dit-il, a cinq zones et se divise en trois parties : la première est l’Asie ; la seconde, l’Afrique ; la troisième, l’Europe[2]. »

Je ne vois pas qu’elle est cette sœur emprisonnée sous cinq rochers. Il est possible qu’il y ait quelque rapport entre elle et la personne à laquelle Merlin donne le même nom dans ses poésies.

VI. Les enfants de cire jouaient un grand rôle dans la sorcellerie du moyen âge. Quiconque voulait faire tomber son ennemi en langueur fabriquait une petite figure de cette espèce et la donnait à une jeune fille, qui la portait emmaillottée durant neuf mois dans son giron ; les neuf mois révolus, un mauvais prêtre baptisait l’enfant, à la clarté de la lune, dans l’eau courante d’un moulin. On lui écrivait au front le nom de la personne qu’on voulait faire mourir, au dos le mot Bélial, et le sortilège ne manquait jamais d’opérer. Il fut pratiqué par le comte d’Étampes, aidé d’un moine noir, contre le comte de Charolais, en 1463[3], et fait le sujet de plusieurs anciennes ballades bretonnes.

Sauf la cérémonie du baptême, remplacée, dans le chant breton, par l’action de la lune, je ne vois rien dans ce maléfice, pas même le nom de Bélial, peu différent du celtique Bel, qui puisse l’empêcher de remonter aux Druides et de répondre au sortilège dont notre chant réveille l’idée. Mais pourquoi six enfants de cire plutôt que tout autre nombre ?

Je vois mieux la raison des six plantes médicinales du bassin qu’un nain a mission de mêler. Les plantes dont il est ici question jouaient un grand rôle dans la pharmacie des Druides et des anciens bardes ; mais les historiens latins n’en comptent que cinq, savoir : le sélage, la jusquiame, le samolus, la verveine et le gui de chêne, tandis que les poëmes mythologiques des Cambriens en nomment six, en joignant aux plantes désignées la primevère et le trèfle, à l’exclusion du gui, qui servait sans doute à d’autres usages. Selon eux, c’étaient les ingrédients d’un bassin pareil à celui du chant armoricain ; comme lui, surveillé par un nain et contenant le breuvage du savoir universel. Trois gouttes du philtre magique ayant rejailli, disent les bardes, sur la main du nain, il porta naturellement le doigt à ses lèvres, et aussitôt tous les secrets de la science se dévoilèrent à ses yeux[4]. C’est pourquoi le nain du poëme armoricain a aussi le doigt dans la bouche.

VII. La division des éléments en sept, comme les planètes, les nuits et les jours, offre quelque chose de surprenant ; c’était celle des anciens

  1. Jones, Bardic musæum, no 47.
  2. Myvyrian, Arch. of Wales, t. I, p. 25.
  3. Voyez, pour les détails, l’élégante et populaire Histoire des Ducs de Bourgogne, par M. de Barante, t. VII, p. 46.
  4. Myvyrian, Arch. of Wales, t. I, p. 17 et 5.