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DE LA VIE RÉELLE.

Ce n’est pas l’éducation que j’admire, et m’est avis que les études philosophiques et religieuses valent mieux. Mais je constate le fait qu’il faut bien accepter, et puisque le roman est le genre de composition que le lecteur préfère, il faut s’efforcer de le faire servir au bien.

Le roman a d’ailleurs ceci d’avantageux, qu’il n’est strictement soumis à aucune forme, à aucunes règles particulières, et qu’on peut lui faire dire à peu près tout ce que l’on veut. Il prend tous les tons, il se plie à tous les styles, celui de l’épopée comme celui du drame, celui de l’épitre comme celui de l’élégie, celui de la pastorale comme celui de la satire, celui du conte comme celui de l’histoire. Il décrit, il raconte, il chante, il pleure, il prie, il enseigne. C’est son enseignement qu’il faut particulièrement surveiller, et qui sous des dehors honnêtes, contient trop souvent des principes malsains, des doctrines pernicieuses et impies.

Hélas ! on sait les ravages que cette semence de mort a causés en France dans les intelligences et dans les âmes. On sait le mal irréparable qu’ont produits les coryphées du roman qui se nomment Balzac, Sue, Dumas, Sand et Soulié.

C’est ce genre diabolique qu’il ne faut pas laisser introduire dans notre littérature ; et c’est le but des romans honnêtes de détourner le lecteur de ces œuvres malsaines.

Le bon roman peut être philosophique et religieux, et je déclare sincèrement que c’est la forme que je préfère. Mais il peut aussi être historique, et servir très utilement les intérêts de la Religion et de la Patrie.

Pourvu qu’il ne défigure pas l’histoire, et qu’à l’exemple des romans d’Alexandre Dumas, il ne la transforme pas en argument contre le Christianisme, il peut devenir pour la jeunesse une source de connaissances et un enseignement des plus utiles. La mission du roman historique est particulièrement de montrer le rôle de la Providence dans l’Histoire, de mieux graver dans la mémoire les événements humains, et d’enseigner aux peuples le chemin de la grandeur et de la vertu.

A. B. Routhier.

Le récit des débâcles, du meurtre de Marcoux, etc., repose sur du réel, de même que ce qui se rapporte à mon héroïne, Julie.

Voici, du reste, pour ce qui la concerne, comment son aventure a été rapportée par un écrivain canadien, mort il y a quelques années :

Souvenirs de Kamouraska.

Il y a cinquante-cinq ou cinquante-six ans de cela, Kamouraska, ce beau village d’ordinaire si paisible, était sens dessus-dessous ; sa population était au paroxysme de l’excitation : on venait de faire la découverte d’un crime commis dans des circonstances révoltantes, et accusant chez son auteur un caractère de férocité raffinée.

Le village de Kamouraska, assis sur la rive droite du St-Laurent à 30 lieues en aval de Québec, est resserré entre deux anses, « l’anse d’en haut »