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DRAMES


XIII

Pour compléter le récit, devenu historique, de ces terribles débâcles, que le lecteur nous pardonne d’intercaler, ici, ce qui s’est passé en 1896. L’extrait ci-dessous est du journal local de Sorel, Le Sorelois :

GRANDE INONDATION A STE ANNE ET AUX ILES DE SOREL, EN 1896.

Sorel, 21 avril 1896.

Depuis samedi, la surexcitation est grande à Sorel, ainsi qu’à Sainte-Anne et aux îles de Sorel.

L’eau a dépassé de vingt pouces le niveau atteint lors de la grande inondation de 1865, et, depuis bientôt huit jours, les habitants, de Sainte-Anne et des îles de Sorel, sont exposés aux plus grands dangers.

Hélas ! que disons-nous ?

Les plus grands dangers si l’on en excepte les pertes de vie humaines, est-ce que de ces grands dangers, l’on a pu y échapper. ?

Et que de biens meubles, que d’articles de ménage, que d’animaux même ont été perdus !

Le chiffre en est incalculable. Quant aux maisons, aux autres bâtiments et constructions, ils ont subi des dommages considérables : — un grand nombre même ont été démolis.

D’abord, dès samedi, le 18 du courant, un certain nombre de personnes de Sorel ont accompagné, jusqu’à Ste-Anne de Sorel, M. J. A. Chênevert, le gérant du Sorelois, et ont été constater, avec lui, l’imminent danger où se trouvaient les cultivateurs du bas de la paroisse de Ste-Anne et ceux des îles du voisinage, qui étaient déjà submergés et dont les habitations semblaient vouées à une destruction aussi certaine que prochaine. Alors M. Chênevert et ses compagnons de voyage ont cru qu’il serait prudent de venir en aide aux pauvres inondés, et immédiatement on décida d’organiser un service de sauvetage.

Aussi, de retour à Sorel, M. Chênevert rencontra M. le maire C. O. Paradis, qui téléphona aussitôt au curé de Ste-Anne, M. le chanoine Jeanhotte, et lui dit qu’il était à sa disposition, en sa qualité de maire de Sorel, et que si l’on avait besoin de secours, il s’empresserait, sur avis à cet effet, de réunir ses concitoyens en assemblée, afin de répondre à l’appel fait et d’être le plus utile passible.

M. le curé répondit qu’il n’oublierait pas de crier au secours si besoin en était.

Hélas ! le bon curé de Ste-Anne était loin de supposer qu’à quelques heures de là, cet appel, il aurait à le faire, et que, malgré le temps, malgré le danger imminent du départ des glaces on saurait y répondre.

En effet ; dès le soir même, samedi, l’eau ayant atteint une hauteur extraordinaire, on vit qu’il fallait absolument aller au secours des gens du bas de Ste-Anne et des îles, et M. Chênevert, n’ayant pu obtenir de bateaux, vu le danger auquel ils auraient été exposés, crut devoir télégraphier à l’honorable ministre des Travaux Publics, M. J. A. Ouimet, à Ottawa, lui disant dans quel état se trouvaient les cultivateurs de cette paroisse, ainsi que ceux des îles, et lui demandant de mettre à sa disposition l’un des bateaux de son département, si la chose était possible.