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DE LA VIE RÉELLE.

Nous reproduisons cela textuellement parce que, d’abord, les drames que nous racontons et raconterons sont réels, tel que dit dans l’intitulé de ce roman et ensuite, pour donner une idée comparative au lecteur de ce qu’a pu être la débâcle du Richelieu, lors du voyage de notre héroïne, voyage si fort redouté par le père Gabriel N…

L’inondation — pronostics
8 Avril 1865. 

À Sorel l’eau est entièrement disparue des rues mais couvre encore les quais. À Berthier, l’eau continue d’inonder tout le village mais nous sommes heureux d’apprendre que la glace n’a fait aucun dommage. Le vent d’hier et d’avant hier a balayé une banquise de glace fort menaçante qui se trouvait vis-à-vis le village et on espère à présent que le danger est passé.

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L’eau continue à couvrir nos quais à Sorel et les maisons qui bordent le fleuve sont inondées, mais personne n’a encore souffert de dommages.

Au Chenal du Moine l’eau couvre les terres à perte de vue. La glace a renversé une maison et une grange, mais on ne signale aucun autre dommage.

Les pauvres habitants sont forcés d’abandonner, leurs habitations ou de s’y échafauder pour pouvoir y demeurer.

Des canots sont aux portes des habitations et on s’y jette avec précipitation, lorsque la glace devient menaçante.

Hier des masses de neige et de glace étaient amoncelées à divers endroits sur le fleuve. Vers midi la glace a commencé à marcher, et il est probable que d’ici à dimanche le fleuve sera libre. Trois « chalands » sont sortis hier matin de la rivière Richelieu espérant gagner à temps le « chenal du Moine » et éviter les glaces ; — l’un a pu s’échapper et atteindre la Rivière Yamaska, mais les deux autres ont été emportés par un vent contraire au milieu des glaces ; l’un appartenait à un nommé Boucher, de Sorel et paraissait avoir beaucoup souffert, l’autre, qui appartient, dit-on, à un nommé Lacouture, n’avait pas éprouvé de dommages. Le vent, hier, poussait la glace vers la rive nord du fleuve ; on en voyait, au loin, des montagnes. Nous craignons beaucoup d’avoir à enregistrer de grandes pertes souffertes par les habitants des Îles.

15 avril, 1865. 
terrible désastre résultant de l’inondation.

Ce que nous avons à raconter aujourd’hui, dépasse, malheureusement, les prévisions que nous exprimions l’autre jour. Depuis samedi, au grand désespoir de tous, l’eau montait, montait toujours. Les plus anciens citoyens de Sorel répétaient à qui mieux mieux, que jamais l’eau ne s’était élevée à la hauteur, qu’elle a atteint ce printemps…

Dès midi on apprenait que les habitants de Berthier, des Îles de Sorel et du Chenal du Moine étaient littéralement submergés ; — à Berthier, on manquait même de pain, les boulangeries subissant le sort des autres habitations.