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table sens de tous les Soûtras bouddhiques ; et l’on serait fort embarrassé d’y découvrir un seul passage sur le Nirvâna qui signifiât autre chose. Le Nirvâna n’y est jamais donné que pour la délivrance éternelle, la cessation infaillible de toutes les douleurs et de toutes les renaissances, par l’anéantissement de tous les principes dont l’homme est formé. Il faut bien en croire les Soûtras eux-mêmes. Leur langage, j’en conviens, est fort obscur ; mais il y aurait lieu d’être surpris qu’il fût plus clair. C’est l’idée elle-même du néant qui est remplie de ténèbres ; et par suite, les expressions destinées à la rendre n’ont qu’une lueur insaisissable et sinistre. Mais les Soûtras sont la véritable autorité, si ce n’est tout à fait la seule ; et ils ne sont pas plus récusables que ne le serait l’Évangile pour l’interprétation de la foi chrétienne.

Je ne nie pas d’ailleurs que l’on ne puisse alléguer bien des exemples où des personnages bouddhistes, bodhisattvas, arhats, bhikshous ou autres, entrés dans le Nirvâna n’en ressortent pleins de vie. Il semble donc que le Nirvâna n’est point le néant, puisqu’on en peut revenir. Mais cet argument, s’il avait quelque portée, en aurait beaucoup trop. Le Nirvâna ne serait pas plus alors l’absorption en Dieu que l’anéantissement. À quoi bon être absorbé en Dieu, et être délivré sous cette forme, si l’on en est encore à rentrer dans