Page:Barthélemy-Saint-Hilaire - Le Bouddha et sa religion.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on peut en dire et en penser, c’est qu’il est ; et le néant, quand on prétend en faire quelque chose, n’est qu’une décevante chimère.

On voit qu’avec la sagesse antique je fais très-bon marché de cette étrange conception du néant ; mais je n’en maintiens pas moins ce que j’ai dit du Nirvâna bouddhique ; et après de longues réflexions, et un examen approfondi des arguments qu’on a opposés à cette thèse, je persiste, et je crois toujours ne m’être point trompé. Aussi j’ose prier les lecteurs qui s’intéressent à ces matières de vouloir bien peser les raisons qui vont suivre, et de se demander si elles ne sont pas décisives.

Tout le monde convient que le bouddhisme est une réforme de la religion brahmanique. Or, qui dit réforme dit, par cela même, différence. Donc si le Nirvâna bouddhique n’est, comme on le veut croire, que l’absorption de l’âme humaine en Dieu, dans l’esprit universel et infini, dans l’âme du monde, le bouddhisme n’a plus de raison d’être ; car on ne voit plus ce qu’il est venu réformer, s’il a donné de la destinée de l’homme après la mort la même solution précisément que le brahmanisme en donnait avant lui. Le bouddhisme n’a jamais prétendu changer l’organisation brahmanique ; et c’est une simple rivalité de doctrine que dans son désintéressement magnanime il a engagée contre l’erreur.