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mine rébarbative de l’accusé, on pouvait le soupçonner coupable de tous les crimes. Il fut cependant acquitté à l’unanimité.

M. le shérif nous parla d’un procès célèbre qui se déroula devant les assises de cette même cour, il y a une dizaine d’années.

C’était tout un drame. Une jeune femme avait dardé — histoire d’amour et de jalousie — une autre femme à coups de couteau. Les preuves étaient accablantes ; la culpabilité de l’inculpée ne faisait de doute à personne.

L’avocat, — un Beauceron à son premier début, — fit des prodiges d’éloquence et fut si pathétique qu’il fit verser à l’auditoire des torrents de larmes, non sur le triste sort de la victime, mais sur celui beaucoup plus pitoyable de l’accusée. Bref, la fille fut acquittée séance tenante.

Que voulez-vous ? On est si bon à la Beauce, qu’on ne veut croire au mal dans personne. Il va sans dire que la Beauce, comme tout pays qui se respecte, a son histoire, ses traditions, ses types qui lui sont particuliers.

Pour ne parler que des noms de baptême dont on affuble quelques petites chrétiennes : des noms comme Armosa, Dauphine, Maïda, Alfredine, etc., etc. Et comment aimerait-on, par exemple, s’entendre appeler : Nippolance ?

Il est joliment difficile de trouver mieux que cela, même en détaillant les Saints Innocents, les uns après les autres.

La Beauce a eu aussi ses prophètes et ses illuminés. L’un d’eux, après avoir suffisamment édifié sa congrégation de croyants pendant quelque temps, et leur avoir prêché ce qu’il ne pratiquait pas, annonça un bon jour qu’il allait prendre son envolée vers le ciel.