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Si un malheur entrevu doit tomber sur moi, je m’aguerris d’avance, je l’attends résignée.

Toutes mes forces se concentrent vers cette partie de l’âme qui doit être blessée et vienne la douleur, elle me semble moins amère, moins cruelle.

Mais l’inconnu me fait peur. Cette angoissante sensation d’un malheur dans l’air me glace et me pénètre jusque dans la moëlle des os.

Aussi, j’ai depuis ce jour, des visions sinistres devant mes yeux et d’effrayants cauchemars hantent le sommeil de mes nuits.

J’ai des tons larmoyants quand je parle à ceux que j’aime et je me demande avec terreur si, d’ici à ce que je puisse les revoir, un épouvantable cataclysme ne les aura pas anéantis à jamais.

Intérieurement, j’adresse de solennels adieux à tout ce qui m’entoure, j’ai des attendrissements incroyables en regardant la verdure, et l’oiseau qui passe, la fleur qui se penche me mettent des pleurs pleins les yeux.

Dire que ce matin encore, j’étais si gaie, si disposée à aimer la vie que je trouvais bonne et belle.

Et brusquement sans crier gare, voilà tout mon horizon assombri, chargé de tempêtes, avec la foudre qui va gronder,… la pluie, la pluie de larmes prêtes à tomber.

Tout cela à cause d’un méchant sou.

Jugez un peu maintenant de ce que cela aurait été si j’en avais donné deux.


Lundi, 25 juillet.

A-t-on jamais goûté à ces massepains de confection si étrange que les Italiens vendent au coin des rues ?

J’avoue que je n’ai jamais vu de morceaux de sucre pour me fasciner autant, et depuis des mois, je les reluque en passant, du coin de l’œil, avec un intérêt qui va toujours croissant.