Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faille acheter ainsi le mérite au poids des carats, mais vous comprenez que ça deviendrait un peu onéreux pour les bonnes sœurs — surtout quand on considère le nombre fantaisiste des médaillées, — de délier les cordons de la bourse à chaque fois.

C’est bien beau, très honorable, très émouvant même de voir sa fillette recevoir tous les honneurs de son cours, mais quand on a à acheter tout cela, l’enthousiasme et l’orgueil paternels peuvent en éprouver un léger refroidissement. C’est ce qu’on pourrait appeler le revers de la médaille.

Quand j’allais au couvent, on semblait avoir pris pour principe de ne jamais renvoyer, à la fin de l’année, aucune élève, les mains vides, à la maison paternelle ; pour rendre tout le monde content, on allait jusqu’au prodige, et on fondait des prix qui faisaient certainement plus d’honneur au bon cœur qu’au bon sens des fondatrices.

C’est ainsi qu’on décernait des prix de gentillesse, d’amabilité, voire même un prix d’hygiène ( ?).

Je me rappelle d’un « prix de complaisance, » donné en faveur d’une compagne de mes premières années de pension, tellement dépourvue de talent, — l’élève et non la pension, — qu’il n’y avait pas eu moyen de lui accorder avec justice même un accessit de lecture.

Pauvre Rébecca ! — car elle portait ce nom biblique qui aurait tant excité l’ire de MM. Drumont-Morès, s’ils eussent vécu dans son intimité — je me rappellerai d’elle jusqu’à mon dernier jour, fût-il celui du jugement dernier. Jamais je n’ai vu d’enfant si inintelligente. Pas idiote pourtant, oh ! non, tout à fait ordinaire, je vous assure, en dehors des heures de classe, mais du moment qu’il s’agissait de leçon, nix ! elle n’y était plus du tout et débitait les bourdes les plus abracadabrantes qui soient au monde.

Dire le plaisir que nous avions à l’entendre réciter ses