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Elle a laissé cette tendre et dévouée mère,
Dont les pas sont faibles et peu considérables :
Mais, cette pensée, seule reconsole cette mère :
Elle revoyera encore cette enfant si aimable…

La rime, le bon sens, l’orthographe, les règles de la versification y sont, grâce à Dieu, dédaigneusement bannis.

Dame aussi, quand on s’appelle Edouardina !


Lundi, 13 juin.

Je suis allée à Valleyfield assister aux fêtes du sacre de Mgr Émard et, vraiment, il m’arrive de regretter que tout le monde n’ait pas eu la même inspiration.

C’est dommage que l’on ne sacre pas des évêques plus souvent. D’abord, sans parler de la cérémonie elle-même, qui est grandiose et imposante, il se fait, — surtout dans ces villes-campagnes, — un tel remue-ménage, un tel va et vient joyeux, il s’y produit animation si extraordinaire, à plusieurs lieues à la ronde, que l’air même a comme un parfum de fête.

Peu s’en est fallu pourtant que le soleil nous boudât, mais réflexion faite, il est revenu à de meilleurs sentiments et il s’est pris à sourire de la manière la plus gentille du monde.

Je faisais le trajet avec une amie. C’est agréable de voyager avec une amie, — qui est aimable j’entends, — et elle l’est celle-là, j’en réponds.

Aussi avec quel entrain nous avons fait la route, causant et badinant comme deux écolières en vacances. Et tant ri que nous avons fort scandalisé un digne disciple de Thémis, — quelque futur juge, j’en suis sûre, — qui a essayé vainement un de ses plus sérieux plaidoyers pour nous ramener à la raison.

C’est un joli trajet à faire. Ces prés verts, ces arbres, ce fleuve entrevu de temps en temps dans des éclaircies, reposent les yeux fatigués des pavés d’asphalte et de bitume.