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de savoir se garantir d’un excès de prudence, et de ne point se préoccuper des timorées à propos de tout, qui se voilent la face et sont toujours prêtes à crier scandale, au moindre mot qui s’écarte un peu du convenu. Il y aurait de quoi faire un cimetière, aussi grand que celui de la Côte des Neiges, avec tous les sépulcres blanchis de notre bonne ville.

Toutes ces raisons que je ne fais qu’effleurer en passant, et bien d’autres auxquelles je ne touche pas, peuvent faire comprendre que tout n’est pas rose dans le métier de la chronique. Mais, pour le moment, la mienne se trouve achevée, et j’ai devant moi une longue semaine avant de me mettre martel en tête.

Ami lecteur, nous allons nous reposer tous les deux.


Lundi, 2 mai.
Dies irae…

Jours de plaintes, de grincements de dents, de récriminations, de vaisselle brisée, de meubles qui s’effondrent, de verres qui s’entre-choquent, jours des déménagements !

La maison est éveillée de grand matin, le feu est éteint, l’air est cru, morne, glacial. À chaque pas les pieds heurtent des amoncellements sans nom, aux formes bizarres sous la grossière toile qui les recouvre. Vous ne reconnaissez plus dans ces paquets qui s’en vont pêle-mêle, le fauteuil de prédilection où vous aimiez à vous délasser, le tableau charmant qui reposait vos yeux ou la petite table que vous rouliez le soir, au coin du feu, avec les journaux et les livres favoris.

Depuis des jours déjà, l’heure de l’emballage a sonné et il faut vider toutes les pièces du logis.

On a tout remué, fouillé chaque recoin, réveillé bien des choses qui dormaient là tranquillement, et, avec elles