Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Naturellement, le partage était égal.

Zizitte, dont la vive imagination venait d’être enflammée par des récits mirobolants des beautés de l’ancien monde, ne désirait pas plus que s’embarquer au plus vite, voir par elle-même, les merveilles de Paris, gravir les cîmes neigeuses et accidentées de la Suisse, promener ses illusions sur le Rhin, soupirer sur les bords de l’Adriatique, baiser la poussière sacrée des catacombes… Que sais-je encore ?

Je ne manquai pas de lui représenter tout ce que ce projet avait d’insensé.

— Voyons, lui dis-je, raisonne un peu : Cinq cents dollars, c’est une jolie somme, sans doute, mais conviens qu’avec cela on ne peut voyager bien loin. Et ton excursion terminée, que te restera-t-il ? Moi, je suggère autre chose. Par exemple, est-ce que cela ne te sourirait pas d’acheter une propriété avec notre argent ? Ça, vois-tu, c’est positif, c’est palpable. Ça durera, même plus longtemps que nous. Je t’avouerai que posséder un immeuble a toujours été un de mes plus chers désirs.

— À mon tour, reprit vivement mon amie. Comment peux-tu acheter quelque chose qui vaille, même au prix de mille dollars ? L’idée est vraiment absurde.

— Je le crois bien. Aussi ce n’est pas avec le produit d’un unique tirage que je propose de faire cette acquisition, mais avec celui de plusieurs. Puisque la chance nous a favorisées, pourquoi nous abandonnerait-elle après un si beau début. Je suis certaine de compléter la somme qui me manque dans les autres tirages qui doivent suivre.

— Alors, comme nous sommes de moitié dans les profits, je puis espérer autant que toi. Ce qui nous permettra à toutes deux d’effectuer chacune notre profit.

C’était juste et je n’avais rien à dire. Zizitte pourrait donc traverser les océans, et j’aurais pignon sur rue.