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marie pas conserve quand même une position honorable et honorée dans la société. Elle se crée des devoirs, des occupations qui conviennent à son état ; elle jouit encore de ce que la vie offre de charmant, et elle apprend, dans les nouvelles obligations qu’elle s’est imposées, à être heureuse et contente de son sort.

Son grand secret consiste à se suffire à elle-même et à n’être, pas plus que l’homme, l’esclave de l’amour.

Et c’est ce sentiment, plus compris qu’exprimé, qui fait que, graduellement, l’ostracisme ne retombe plus guère que sur celles qui méritent le titre de « vieille fille, » dans sa pire interprétation.

Car, il y en a, cela, je ne le cache pas, et ces aigries du sort forment la classe des femmes qui, n’ayant eu dans leur vie qu’une seule occupation, courir après un mari, qu’un seul but, le mariage, voient toutes leurs espérances sombrer dans un amer désappointement.

L’on a déjà remarqué, et les statistiques d’ailleurs le confirment, qu’en général la femme de notre temps est peu pressée de se marier ; elle envisage plus philosophiquement un autre parti et, si le troubadour infidèle qui roucoulait à ses pieds vient à changer les couleurs de sa dame, elle se console aisément et ne veut plus, à l’instar des héroïnes d’antan, se laisser mourir dans sa tourelle.

Cet esprit d’indépendance s’affirme à tel point que les plus incrédules sont forcés de se rendre à l’évidence. Les Américains ont même inventé, pour désigner la femme qui ne se marie pas, un mot qui demeurera désormais dans le vocabulaire de la langue : the bachelor-woman ; et un magazine très populaire, qui consacrait dernièrement un long article sur les clubs, les occupations, etc., de ces bachelor-women, faisant une peinture exacte du bonheur dont elles jouissaient et du confort dont elles se plaisaient à s’entourer dans un intérieur aimable, ajoutait que plusieurs de ces femmes vivaient ainsi, de leur plein, gré, « in single blessedness, » ayant déjà et délibérément refusé des partis avantageux.