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De temps en temps, quelque chose se met en mouvement auprès de vous ; c’est un câble qui tire, sur le petit chemin de fer à lisses, des wagons chargés de charbon jusqu’à l’orifice du puits. Vite, alors, notre guide nous faisait entrer dans une excavation pratiquée dans le mur pour laisser passer ces convois, car les passages sont si étroits que nous n’aurions pu rencontrer ces trains sans être infailliblement broyés.

Cinq à six cents hommes travaillent à l’intérieur de la mine, et il y en a presque autant à l’extérieur ; tous s’en vont dans leurs familles après leur journée faite, à l’exception de quelques gardiens qui font les rondes de nuit et qui ont soin d’une cinquantaine de chevaux dont les écuries sont confortablement installées au milieu même de la mine.

Nous leur avons fait une visite en passant, à ces braves bêtes, et, si l’on en juge par leurs croupes arrondies et lisses, l’absence de la lumière du soleil ne leur cause aucun regret. Quand, pour des causes extraordinaires, on est obligé de remonter ces chevaux à la surface, pendant quelques heures, ils semblent frappés de folie et s’épuisent en bonds et en cabrioles désordonnés.

La ventilation est très bien établie, aussi les explosions de feu grisou sont-elles extrêmement rares. Ce n’est pas besogne facile de marcher dans ces longues et étroites galeries ; le petit lampion que vous portez au doigt n’éclaire qu’imparfaitement votre route et parfois, la voûte devenant plus basse, il faut marcher à demi-courbé, ou gare aux heurts et aux meurtrissures !

On ne saurait décrire les sensations diverses qui vous agitent, ni les réflexions qui se présentent ; il y a du danger dans l’air, à chaque pas que vous faites, et cela donne à votre émotion naturelle plus d’intensité encore. Songez qu’en ce moment l’océan, l’océan immense et profond, roulait sur nos têtes, que les vaisseaux cuirassés de fer, les steamers passaient au-dessus de nous sans qu’un seul bruit de flots ou de cordages ne parvînt à