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perplexités, mais, en promenant ses regards encore une fois autour de la vaste salle, ses yeux rencontrèrent ceux d’un grand monsieur, qui la regardait avec tant de bienveillance, qu’elle prit courage et résolut de lui offrir des fleurs.

— Ce n’est pas un jeune homme, celui-là, se dit-elle, je vais lui demander d’acheter un gardénia pour sa boutonnière.

Lui, comme si il eût deviné sa pensée, était déjà auprès d’elle.

— Combien vos gentils bouquets, mademoiselle, demanda-t-il ?

— Vingt-cinq sous chacun, répondit-elle, ravie qu’on l’eut devancée, c’est peut-être un peu cher, mais, c’est pour l’hôpital Notre-Dame, pour les pauvres malades…

— Je suis heureux d’être associé par vous à une aussi belle œuvre. Voulez-vous me permettre d’acheter toute votre corbeille ?

Et, sans attendre la réponse, il glissa un billet de banque parmi les chrysanthèmes et les roses.

— Oh ! merci, répondit avec enthousiasme la fillette, en dépliant un billet de dix dollars. Et Lucette, qui disait que je ne ferais pas un sou !

— Qui est-ce, Lucette ?

— Ma sœur aînée. Elle est là, à la table des bonbons.

— Gourmande, alors ?

— Pas plus que moi, répondit Marielle en riant ; on n’a pas voulu de moi à cette table, c’est pourquoi il a fallu me rabattre sur les fleurs.

— Vous ressemble-t-elle, votre sœur ?

— Lien peu. Elle a les yeux noirs, et si grands, si grands qu’on peut s’y mirer tout entier.

— Ceux qui me regardent en ce moment ne sont pas petits non plus, dit-il en souriant.

— Non, mais ils sont bleus, et ce n’est guère d’accord avec mes cheveux noirs.