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Que dire de cette pensée d’Aristote, qu’on lit dans une de ses œuvres :

« Les Mityléniens honorèrent Sapho, quoique ce fût une femme. »

Cela ne donne-t-il pas la mesure du préjugé barbifère ?

Mais, vive Dieu ! comme on disait au temps de Henri IV, il viendra un jour où ces messieurs seront forcés de nous honorer, quoique nous soyons des femmes.


Lundi, 21 octobre.

— Jamais, se disait-elle, je ne pourrai offrir mes bouquets de fleurs à toutes ces personnes que je ne connais pas.

Et la pauvrette regardait, d’un œil timide, cette foule bruyante et gaie qui passait et repassait autour d’elle, sans accorder la moindre attention à la vendeuse portant à son bras un coquet panier de fleurs.

— Que fais-tu donc, Marielle, lui cria, en passant, une grande jeune fille attachée à la section des beaux-arts, j’ai déjà vendu vingt billets, et tu n’as pas encore accroché un seul bouton de rose à l’habit de ces messieurs ?

— Je ne connais personne, répéta Marielle d’un air désolé.

— La belle affaire ! répartit l’autre avec un franc éclat de rire. Ici, nous ne sommes plus au couvent, ma petite ; on cause avec qui l’on veut, on flirte même un brin, histoire de mieux vendre sa marchandise… C’est pour l’hôpital, ma chère, et il faut savoir intéresser à une cause aussi sympathiques toutes les âmes bonnes et sensibles.

Et la coquette, laissant précipitamment son amie, s’élança au devant d’un nouveau disciple de Thémis, qui, pour faire croire à une clientèle nombreuse, avait bourré ses poches de redingote de vieux parchemins.

Laissée à elle-même, Marielle retomba dans toutes ses