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Arrivée au monument élevé dernièrement par les Américains pour commémorer l’anniversaire de leur conquête, à l’endroit où, dit-on, le gouverneur Du Chambon remit les clefs de la ville, un sentiment d’indignation bien légitime s’est emparé de moi, indignation que j’eus au moins la satisfaction de voir partager par Mgr O’Brien, qui s’exclama :

— Voilà un monument qui, certes, n’est pas à sa place !

Ah ! s’il y avait eu une poignée de Français pour empêcher cette profanation ! Mais tout cela est loin de nous, et, sur ces plages désertes, on n’entend plus hélas ! le doux parler de France.

Ce n’est pas une colonne de granit, aux armes américaines, qu’il faudrait sur ces ruines, mais une grande croix française. Peut-être, un jour, mes compatriotes rendront-ils ce tardif hommage à la mémoire de leurs frères.

Le vieux cimetière, — le seul endroit qu’on ait respecté, — subsiste toujours.

Il est situé à l’entrée du port, sur cette pointe de terre qui avance dans l’Océan, et c’est dans ce lieu, admirablement choisi, que reposent encore, en face de leur beau pays de France qu’ils ne devaient plus revoir, ceux qui moururent dans la colonie.

C’est là qu’il ferait bon de reposer, bercé par les mille bruits de la mer, pendant cette longue nuit qui n’a pas d’aurore.

Les renflements du sol indiquent encore, malgré l’épais gazon qui le tapisse, le lieu de la sépulture des derniers Français. Pauvres morts, qui y dorment sans une larme, sans un regret, le sommeil sans rêve de l’oubli !

J’y ai récité ma plus pieuse prière, dans ce langage aimé dont le murmure doit sonner si doux à leurs oreilles, et peut-être leurs ombres apaisées en ont-elles été consolées…

Dans les cabanes des pêcheurs, on nous a montré une foule de petits objets que l’on a retrouvés en fouillant la