Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils ont apportées, attendent paisiblement qu’on les ramène aux champs, le va et vient de la foule et des touristes, l’animation des « dames de la halle, » et vous n’aurez encore qu’une imparfaite idée de la scène.

*

L’Atlantique, en s’avançant dans les terres, forme le bassin de Bedford, sur un côté duquel s’étagent deux petites places d’eaux, Bedford et Rockingham, jolies çà faire rêver les plus blasés.

Ce bassin a toute une histoire.

C’est là que se réfugia, en 1746, une partie de la flotte commandée par le duc d’Anville, parti de France avec la mission de venger des pertes récentes, en ravageant les côtes de la Nouvelle-Angleterre.

Ses vaisseaux furent dispersés ou brisés par des tempêtes affreuses, et, d’une flotte composée de quatre-vingts vaisseaux de guerre, à peine le tiers put-il trouver un refuge dans le bassin, alors appelé par les sauvages du nom de baie Chebuctou.

Le duc d’Anville fut à ce point peiné par ce désastre, qu’il en eut une attaque d’apoplexie dont il mourut.

M. d’Esbronelle, son successeur, voulut retourner en France et réunit son conseil de guerre auquel il annonça sa décision ; mais ses officiers furent d’avis contraire ; ce que voyant, M. d’Esbronelle mit fin à ses jours en se passant son épée à travers le corps.

M. de la Jonquière, qui prit le commandement général des vaisseaux, allait mettre le siège devant Annapolis, quand une terrible épidémie se déclara parmi ses troupes, et 1,100 soldats, sous-officiers, officiers ou hommes d’équipage succombèrent à la contagion.

On ne songea plus à faire de nouvelles conquêtes et l’on fit voile pour la France.

Bon nombre de vaisseaux durent être abandonnés, faute de bras pour les diriger, et la Jonquière ordonna de les couler à fond, afin qu’ils ne servissent pas à l’ennemi.