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On voit maintenant des soirées de cartes, des thés, des at home, d’où les hommes sont bannis. Et je regrette même de constater que l’on s’amuse tout à fait sans eux, tant il est vrai de dire que personne n’est indispensable à notre bonheur en ce bas monde.

Ce commencement d’ostracisme est du à ce que les messieurs tirent en arrière et ne se rendent aux invitations, même pressantes, qu’à leur corps défendant et avec des mines de martyrs.

Il viendra peut-être un temps où ils déploreront de ne plus voir affluer chez eux ces petits cartons blancs, annonçant qu’une maison hospitalière ouvre grandes ses portes à une réunion d’amis.

Tout d’abord, l’innovation que je viens de signaler a paru un peu singulière, un peu embarrassante même, dirais-je, pour de frêles femmes, toujours habituées à compter sur le secours d’un bras masculin.

Aujourd’hui, les faibles oiseaux ont essayé leurs ailes et les ont trouvées d’envergure suffisante pour les autoriser à compter sur leurs propres forces.

Malgré ma profonde sympathie pour la grande sagesse et les hauts faits de mes seigneurs et maîtres, j’ai eu l’occasion, il n’y a pas longtemps encore, de m’assurer que ces réunions toutes féminines ont certainement beaucoup de charme.

C’était à un agréable déjeuner d’amies, auquel nous avait conviées une aimable personne, qui tient de famille, paraît-il, la recette de petits festins que n’eussent pas désavoué les Lucullus de l’antique Rome.

Au salon, où nous étions réunies tout d’abord, je reposais mes yeux, fatigués de constamment fixer du papier et de l’encre, sur les mille objets coquets qui faisaient l’ornement de la pièce : les jolies consoles, les soyeuses tentures. disposées avec le goût d’un artiste, les potiches délicates et ces meubles élégants, signes de luxe et de confort.

— Ma chère, c’est un paradis que cette maison, me dit tout bas une invitée.