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ils méritent plus le mépris que la pitié, mais de ceux qui, ayant reconnu trop tard, hélas ! leur erreur fatale se disent : Je serai quand même fidèle à mon devoir et à l’honneur.

Combien y en a-t-il de ces ménages malheureux ? Leur nombre est infini, et ils sont légion ceux qui dissimulent leurs peines et en gardent le secret avec le même courage que ce jeune héros antique, cachant sous sa tunique le renard qui lui rongeait la poitrine.

Dans plusieurs cas, il n’y a qu’une partie qui s’aperçoive que l’époux ou l’épouse qu’elle s’est donnée ne répond pas à toutes ses aspirations, mais il est trop tard, trop tard pour réparer l’erreur, trop tard pour aller à la recherche de cette autre moitié qui l’attend quelque part peut-être, qui sait, et qui souffre, qui souffre elle aussi, n’en doutons pas.

Oui, le nombre de ces unions mal assorties est énorme et fait frémir, quand on y songe.

Au premier abord, cela ne paraît guère. Devant vous, toute souriante et parée pour une fête, passe madame au bras de monsieur. Ils sont encore jeunes tous deux, et la nature ne les a pas oubliés dans ses dons. Ce devrait être le bonheur, dites-vous.

Et pourtant leur intérieur est un enfer. Pourquoi ? Ah ! le sais-je ! Ce n’est peut-être entre eux qu’un malentendu, un grain de sable, un rien, mais il manque, pour supporter leurs défauts communs, pour rétablir la bonne entente, la sympathie et l’amitié qui doivent subsister toujours, quand l’amour est envolé,

Il n’y a pas de corde d’harmonie, qui vibre dans leurs relations, c’est ce qui met constamment des notes fausses dans le duo. Leurs caractères, sans cesse en contact, se heurtent à des angles différents et supportent impatiemment ces chocs répétés. Rien ne les unit, ni les idées, ni les sentiments, ni les goûts, et ils s’en vont à la dérive, retenus cependant l’un à l’autre et maudissant leurs liens indissolubles.