Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/281

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je soutiens qu’il y a toujours moyen de dire la vérité sans froisser l’amour-propre des interlocuteurs, parce qu’on peut considérer une chose à plusieurs points de vue.

Si donc on est forcé de se prononcer, on peut le faire en appuyant sur le côté agréable qui mérite une approbation.

C’est autre chose, si l’on a besoin de votre sentiment pour compléter un achat quelconque ; alors, vous pouvez vous prononcer hardiment. Honnêtement même, vous devez votre façon de penser sans détour et sans fard.

Mais, — vous le savez comme moi, cela arrive si souvent dans le monde, — dans bien des cas, on vous demande un conseil sans nulle intention de le suivre.

Il est alors très facile de saisir cette nuance-là.

Quand, par exemple, une femme vous demande votre appréciation sur la toilette qu’elle porte, ce n’est plus le moment de dire qu’elle lui sied mal, ou que la couleur ne s’harmonise pas avec son teint.

D’ailleurs, cette façon de demander invite moins à la critique qu’à la louange.

Vous auriez donc mauvaise grâce de lui refuser ce petit morceau de sucre.

Et je ne sais trop si, en pareil cas, une critique ne serait pas une mauvaise action ; car, ou vous vous feriez une ennemie, ou bien, si la personne avait assez d’esprit pour ne pas vous garder rancune, vos remarques lui inspireraient une répugnance instinctive contre sa toilette et lui causeraient un sentiment de malaise chaque fois qu’il lui faudrait s’en revêtir.

Certaines personnes savent tourner les difficultés de ce genre avec une délicatesse rare et un tact exquis, tout en restant dans les bornes de la stricte vérité.

Une dame demandait à une amie, l’autre jour, avec une satisfaction évidente, si le chapeau qu’elle portait lui seyait bien.

— Ces grandes formes sont généralement seyantes,